• Chapitre 1

    Chapitre un

     

     

    Vendredi 06 Février.             

    17H42.      

     

    —     Je suis là pour t'aider, tu sais.

    —     Vous avez tenté de me tuer, dis-je sans aucun tact. Je ne vois pas pourquoi je vous croirais.            

    Je m'étonnai quelque peu du self contrôle dont faisait preuve mon vis-à-vis. Apparemment, le fait de se retrouver en face de moi ne le perturbait pas plus que cela. On ne pouvait pas en dire autant de moi...

    —     Crois-moi, je n'ai jamais voulu te tuer. Tout ce que je souhaite, c’est t’aider.            

    Je haussai un sourcil en sa direction. M'aider ? Comment pourrai-je croire en une chose pareille ?            

    Je me souvenais des moindres détails de cette nuit-là et je ne voyais absolument pas comment on aurait pût nommer cela une « aide », et ce de quelque manière que ce soit...            

    Distraitement, mes doigts allèrent effleurer l'endroit où le couteau s'était enfoncé...Oui, je m'en souvenais comme si c'était hier. La douleur. Le sang. La lame brillante de l'arme entrant lentement dans ma peau. Tout ça, je le ressentais encore. Je me souvenais de tout. Tout était clair dans mon esprit, et pourtant, aucune blessure ne résultait de tout ça. Quand je m'étais réveillée à l'hôpital, le médecin m'avait tout bonnement prescrit des vitamines, puis m'avait fait jurer de m'alimenter correctement pour éviter qu'un tel accident ne se reproduise...De toute évidence, pour eux, je m'étais évanouie dans la ruelle, rien de plus, rien de moins. Aucune agression, aucune trace de violence sur ma personne, rien...Et pourtant, cet homme-là, en face de moi, avec qui j'étais présentement en train de boire un café, était bel et bien mon assassin. Ce genre de choses étaient-elles réellement possible ?

    —     Vous me prenez pour une idiote ? Soufflais-je en contenant un rire jaune, le fusillant du regard. Que m'avez-vous fait, exactement ? Pourquoi n'ai-je aucune blessure ? Rien ?            

    Je commençai à m'énerver, mes membres en tremblaient sous la table, tandis que mes poings se serraient à m'en faire mal.            

    La tension qui m'habitait n'avait pourtant rien à voir à ce qui pouvait s'apparenter à de l'irritation, non, j'avais peur. Et cette peur, je n'arrivais que difficilement à la refréner. L'homme en face de moi me faisait peur. La situation me faisait peur. Les étranges événements qui m'avaient mené ici me faisaient peur. Jamais encore je ne m'étais retrouvé dans un tel bourbier, je me sentais piégée et perdue. Sans compter que je n'avais personne à qui parler de tout ça. Mon meilleur ami ? Mes parents ? Ils allaient tous me prendre pour une cinglée si je leur avouais qu'un homme m'avait tué sans réellement l'avoir fait ! Je n'avais d'autre choix que de garder tout ça pour moi...et ça ne rendait pas les choses faciles.            

    Il ne répondit pas, laissant un silence dérangeant prendre place entre nous. J'en profitais pour l'observer plus attentivement, toujours aussi tendue cependant.            

    Cette nuit-là, il m'était apparu effrayant, son visage m'avait semblé déformé par la folie et son regard aussi froid et indéchiffrable qu'une statut de pierre. Aujourd'hui pourtant, tous deux assit autour d'un café, son visage bercé par les faibles rayons du soleil hivernal, je me surpris à aimer ses traits.            

    Doté d'un visage fin et long, il semblait aux premiers abords un peu efféminé, mais il n'en était pourtant rien. Il possédait un charisme à la limite du supportable, de ses mouvements gracieux à la douce expression qui régnait en maître sur son joli minois. Sa coupe de cheveux partait dans tous les sens, principalement autour de son visage où plusieurs mèches empiétaient sur son front et ses joues. La couleur noire cendrés de sa tignasse jurait franchement sur sa peau laiteuse, mais cela ne lui enlevait en rien son charme, bien au contraire. Ses yeux étaient eux si hypnotisant qu'il me fût impossible de détourner le regard à peine je m'y attardais. L'argenté dominait, mais je discernais très bien la touche violacé qui s'y confondait, créant une couleur inédite que je n'arrivais pas très bien à identifier.            

    Il était beau. En tout point.            

    Je m'en voulu aussitôt de penser cela de l'homme qui m'avait agressé et me giflais intérieurement, n'arrivant cependant pas à détourner le regard.

    —     Cela fait des années que nous te cherchons, sais-tu combien cette tâche a été difficile pour nous ? Chuchota-t-il de sa voix rauque.            

    Il plissa les yeux, sans rompre le contact avec les miens.            

    Des années qu'il me cherchait, hein...            

    …Ce n'était sans doute qu'un rêve. 

    —     Mais tu n'es pas prête, je me suis précipité, soupira-t-il finalement, se préparant à partir, enfilant déjà sa veste noir alors que j'avais du mal à me souvenir du moment où il s'était levé. On se reverra et d'ici là, je te confis une mission.

    —     Une...mission ? Répétai-je, septique.            

    Il s'approcha si vite que je ne le vis même pas se déplacer. Son doigt se déposa délicatement sur ma poitrine, à l'endroit même où j'aurais juré avoir été blessé quelques nuits plus tôt, et ce qui pouvait être l'ombre d'un sourire apparût à la commissure de ses lèvres :

    —     Veille à rendre visite à ton démon intérieur, murmura-t-il après s'être légèrement penché vers moi.            

    Tétanisée sans raison, je ne bougeai pas d'un pouce, même quand il lança un « Sur ce. » rapide, dépassant tantôt la porte du bar. Je posai une main sur mon cœur qui s'emballait dans ma poitrine et tentai de reprendre un semblant de souffle.            

    Il avait disparût et il n'avait laissé derrière lui qu'une simple carte de visite posée près de ma tasse de café vide, une énigme à résoudre et...une addition impayée. Sacré culot pour quelqu'un qui s'était lui-même invité à ma table...Je soupirai.            

    Sans doute devais-je rêver. Ou alors je délirai complètement. Ma vie ne m'avait jamais parût aussi...irréelle. Pourtant, j'en mettais ma main au feu, j'étais certaine de ce que j'avais vécu trois jours auparavant, dans cette ruelle. Les flashs qui m'assaillaient tout le temps depuis l'incident ne trompaient pas : on m'avait poignardé. Je fermai les yeux, un soupir m'échappant une nouvelle fois. Quand je m'étais réveillée à l'hôpital, mon premier geste fût de toucher mon thorax...Rien. Absolument rien. Aucune douleur. Encore moins de blessure, ou de cicatrice. Tout était normal. Je m'étais sentis paniqué, confuse, et ce fût bien pire quand le médecin vint m'annoncer que je pourrais certainement sortir dans la journée, que ce n'était qu'un petit malaise et que des vitamines suffiraient à mon bon rétablissement. J'avais failli lui dire qu'il se trompait, mais je m'étais tus, allant même jusqu'à lui faire croire que je ne me souvenais d'absolument rien. Il avait tout gobé et, dans l'après-midi, après quelques examens qui m'avaient parût sans fins, j'avais pu quitter l'hôpital en compagnie de Dan, mon meilleur ami. À partir de là, j'avais passé une semaine dans l'angoisse, ressassant le déroulement des événements encore et encore, inlassablement. Jusqu'à aujourd'hui, où, décidant de faire une petite halte dans ce bar avant d'aller faire les boutiques, l'homme que je reconnu tout de suite comme étant le déjanté de la ruelle s'invita à ma table sans aucune gêne, comme si de rien n'était, comme s'il n'avait jamais tenté de me tuer...Le pire dans tout ça, c'est que jamais tout au long de la conversation il ne m'avait contredis à propos de ce fameux coup de couteau. Je ne fabulais donc pas. Tout cela c'était bel et bien produit. N'est-ce pas ?           

      Je secouai férocement la tête en grimaçant. Toutes ces réflexions ne menaient à rien ! Au contraire, elles m'embrouillaient plus encore !            

      Je laissai la monnaie pour les cafés sur la table, rangeai la carte de visite dans la petite poche de mon sac de cours sans même y jeter un coup d'œil et m'en allais, m'appliquant soigneusement à ne plus revenir sur toute cette histoire.            

    Dehors, il faisait froid. Un vent glacial siffla à mes oreilles et je frissonnai violemment.            

    Je n'aimais décidément pas l'hiver, et chaque année je priai pour que cette saison passe à la vitesse accéléré – tout comme je priai pour que l'été dure plus longtemps...Le début de cette saison avait été doux et je pensai que mon rêve s'était enfin réalisé : l'hiver rayé de la liste des saisons pour toujours ! Je m'étais faite des idées, bien évidemment. Passé Janvier, le temps se dégrada et les températures baissèrent tout aussi rapidement que la neige prit place sur le sol et les toits du village. Ce fût donc à pas précipité mais prudent – et Dieu inventa le verglas ! – que je rejoignis le magasin de vêtements pour homme. Demain, c'était l'anniversaire de mon meilleur ami, et je n'avais toujours rien acheté...            

    Comme chaque année depuis maintenant trois ans, je bataillai à dénicher quelque chose de potable. Je passai dans tous les rayons, regardant vêtement par vêtement. Rien ne correspondait à ce que je cherchai, c'était soit trop classique, soit trop tape à l'œil, ce qui, je le savais, ne plairait pas beaucoup à Dan. Un soupir m'échappa et, pensive, mon regard se posa sur un t-shirt où il était écrit en lettre rouge « I'm a Demon ». Immédiatement, le visage de l'homme m'apparût et ses dernières paroles raisonnèrent à mes oreilles comme s'il venait tout juste de les prononcer.             « Veille à rendre visite à ton démon intérieur. »          

       Qu'avait-il voulu dire par là ? Cette phrase avait-elle réellement une signification ? Et si oui, laquelle ?            

    Je secouai la tête. Y réfléchir ne servait à rien. Ce type était dingue, voilà tout. Pourquoi m'attardai-je encore sur cette histoire ? Il n'y avait rien à comprendre ! Je devais juste oublier tout ça et y mettre un point final ! Et la boucle serait alors bouclée...            

    Mais, malgré ces belles résolutions, mes doigts allèrent quand même ouvrir la petite poche de mon sac pour en sortir la carte de visite.            

    Elle était simple. Entièrement noire, elle contenait juste un nom, une adresse et un numéro de téléphone tout trois en lettres blanches, d'une police simple et classique. Cette carte correspondait parfaitement à son propriétaire, sobre, sans indice qui pourrait trahir sa personnalité ou ses préférences. Ça me frustrait plus que nécessaire.

    —     Ryes Zorel...Murmurai-je, d'un air absent. Qui es-tu, exactement ?

    —     Mademoiselle, vous avez besoin d'aide ?            

    Je bondissais en arrière et faisais face à la vendeuse du magasin qui s'excusa maladroitement :

    —     Désolée, je ne voulais pas vous faire peur...              

    Tremblante, je rangeai rapidement la carte à sa place dans mon sac.

    —     Ce n'est rien, assurai-je en me grattant l'arrière du crâne, gênée.  

    —     Vous avez besoin d'aide ? Réitéra-t-elle sa question, ses lèvres roses s'étirant en un sourire aimable.

    —     Non, merci, je...je jette juste un coup d'œil, pour un cadeau.            

    Elle m'indiqua qu'elle n'était pas très loin si jamais je changeais d'avis et s'en alla en se trémoussant.              

    Je soufflai un bon coup, une main sur le cœur. Ça me fatiguait d'avoir si peur aux moindres petits mouvements qui se produisaient autour de moi. Depuis mon agression, je me sentais épié voir suivit, et ce en permanence. Je n'en pouvais plus de ces angoisses perpétuelles, il fallait que ça cesse.            

    Après m'être vaguement remise de mes émotions, je repartais à la recherche du cadeau idéal. Je vagabondai plus d'une heure dans le magasin que je savais favoris de Dan avant de finalement craquer pour un jeans large et clair, la marque était joliment cousue sur la poche arrière. Je n'étais pas sûre de mon choix, mais à ce stade-là de la journée, je n'avais qu'une envie : rentrer chez moi. Après avoir payé mon achat, je repartis affronter l'insupportable froid qui m'attendait dehors et parcourus le kilomètre qui me séparait de la chaleur de mon foyer. Ou peut-être était-ce sa sécurité que je désirai tant.

    « Couverture&Résumé.

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :